Patch anti-ondes pour smartphone : une belle arnaque
Présentés comme la solution miracle contre les ondes émises par les smartphones, les patchs anti-ondes vantés par de nombreux influenceurs sont non seulement inutiles, mais en plus dangereux. Des accessoires à éviter !
Entre les smartphones, les tablettes, les ordinateurs, les box Internet et les objets connectés de toutes sortes, les ondes n'ont jamais été autant présentes dans notre quotidien, notamment dans nos foyers. Cette surexposition aux champs électromagnétiques suscite de nombreuses questions et inquiétudes, en particulier à propos de leur impact sur la santé, en particulier chez les personnes se déclarant électrosensibles, qui soupçonnent les ondes radioélectriques de causer des maux de tête, des acouphènes, des troubles du sommeil, voire de l'infertilité, des fausses-couches et des tumeurs. Le sujet fait débat depuis des années et d'innombrables études ont été menées par toutes sortes d'organismes sans parvenir à des conclusions claires – c'est le cas de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui a publié plusieurs documents sur l'exposition aux ondes.
Face à cette controverse et aux risques réels ou supposés, un marché de protection contre les ondes s'est progressivement développé. Et c'est ainsi que l'on a vu apparaître des patchs anti-ondes pour smartphones : des petits dispositifs qui se présentent sous la forme de pastilles autocollantes à placer à un endroit précis à l'arrière d'un téléphone mobile et qui promettent de protéger l'utilisateur des ondes électromagnétiques. Vendus quelques dizaines d'euros, souvent promus par des influenceurs à grands renfort de codes promo alléchants, ils visent essentiellement les personnes électrosensibles, les femmes enceintes et les jeunes, grands utilisateurs de smartphones. La marque la plus connue en France est Fazup, qui revendique plus d'un million de consommateurs et qui assure de réduire les ondes émises jusqu'à 96 %. Mais qu'en est-il vraiment ?
Ondes électromagnétiques : quand puissance rime avec distance
Avant toute chose, rappelons que nous baignons en permanence dans des ondes électromagnétiques – des "champs électriques et magnétiques oscillants" qui se propagent à travers l'espace en transportant une forme d'énergie. Certaines sont naturelles – comme les ondes de lumière du Soleil –, d'autres artificielles, c'est-à-dire issues de systèmes créés par l'Homme – comme les ondes radio utilisée par la télévision hertzienne. De façon générale, la plupart des appareils électriques et électroniques sont sources de champs électromagnétiques – téléviseurs, réfrigérateurs, tables de cuisson, haut-parleurs, etc. –, ne serait-ce que par leur système d'alimentation. Pour autant, il y a de grandes différences entre des appareils électroménagers et les systèmes de communication sans fil qui exploitent les ondes radio, notamment les smartphones.
Pour communiquer sur les réseaux mobiles, les smartphones utilisent des ondes électromagnétiques dans le spectre des radiofréquences – ce sont sont ces ondes qui transportent les données. Mais contrairement à un téléviseur ou un poste de radio, qui ne sont que des récepteurs, un téléphone est aussi un émetteur : son antenne interne – un simple circuit métallique – sert aussi bien à capter qu'à envoyer des ondes. Et c'est ce qui fait toute la différence avec la plupart des appareils électroniques. Car pour détecter et joindre les antennes relais du réseau mobile, souvent situées à plusieurs centaines de mètres, le smartphone envoie ses signaux avec une certaine puissance. Or plus la puissance dudit signal est importante, plus grand est son impact sur les corps à proximité.
Et c'est bien tout le problème. Il faut savoir en effet que la puissance d'une onde radio diminue rapidement avec la distance – elle est inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare le récepteur de la source. C'est pourquoi un utilisateur qui téléphone est plus exposé quand l'appareil est collé à l'oreille que quand il est en mode haut-parleur. Le pire, c'est quand le smartphone est collé au corps de façon prolongée, dans une poche, en particulier quand l'antenne relais est lointaine… Un problème qui ne se pose pas dans les mêmes termes avec d'autres système sans fil utilisant les ondes radio, comme les écouteurs Bluetooth, des dispositifs à courte portée, qui travaillent avec des ondes radio de faible puissance.
Danger des ondes radio : le principe de précaution
De nombreuses études ont été menées au cours des deux dernières décennies pour déterminer si les téléphones portables représentent un risque potentiel pour la santé, notamment pour l'apparition de tumeurs cérébrales. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les ondes émises par les smartphones comme "potentiellement cancérigènes" car, à ce jour, il n'a jamais été établi qu'elles puissent être à l'origine d'un effet nocif pour la santé – il faut attendre pour pouvoir observer un quelconque effet sur le long terme. La limitation de l'exposition aux ondes émises par le smartphone se base donc sur un principe de précaution.
Des limitations sont d'ailleurs déjà en vigueur avec le Débit d'absorption spécifique (DAS). Il s'agit d'un indicateur qui permet d'évaluer la quantité d'ondes émises par les smartphones et autres objets connectés, et donc la quantité d'énergie absorbée par l'être humain. On le retrouve sur la fiche de chaque smartphone, aux côtés des caractéristiques techniques. Plus cet indicateur est bas, mieux c'est. Les constructeurs sont tenus de respecter une limite de 2 W/kg (watts par kilogramme) pour la tête et le torse, et de 4 W/kg pour les membres, limite qui tient compte de l'évolution des modèles et des usages du smartphone et correspond aux "pires cas", lorsque l'appareil émet à puissance maximale pendant toute la durée du test, ce qui ne correspond donc pas à une utilisation réelle. Ces mesures sont prises par précaution au vu des incertitudes et du manque de recul scientifique, comme le rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2019.
Patch anti-ondes : un dispositif qui augmente l'exposition
On peut légitimement se dire, même si l'impact de l'exposition aux ondes émises par les smartphones sur la santé n'est pas reconnu comme problématique par les études scientifiques, qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Mais les fameux patchs anti-ondes sont-ils vraiment efficaces ? L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) s'est penchée sur la question dans ses travaux de 2013. Elle a examiné plusieurs dispositifs anti-ondes et a constaté que ceux "destinés à être placés sur ou à proximité de l'antenne du téléphone mobile ne montrent pas d'efficacité de protection significative pour l'ensemble des téléphones mobiles et des bandes de fréquence testés. Aucune conclusion ne peut donc être apportée quant à leur efficacité sur une diminution du niveau de DAS."
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a de son côté mené en 2015 une enquête sur les conditions de commercialisation des dispositifs "anti-ondes" pour téléphone mobile. Elle constate que la majorité des entreprises vendant ce type de dispositifs se basent sur les ressentis des utilisateurs – le fameux effet placebo ? – et non sur des mesures scientifiques. Quant à celles qui prennent des mesures, la conclusion est sans appel : "Les tests portant sur le DAS ne rendent généralement pas compte de l'effet réel des dispositifs anti-ondes qui, dans certains cas, peuvent avoir un effet contraire à celui allégué, en augmentant le niveau d'exposition aux radiofréquences au cours de l'utilisation des téléphones mobiles, du fait de la dégradation des performances du signal du téléphone qu'ils peuvent entraîner".
Même conclusion dans une enquête menée par 60 millions de consommateurs fin 2022 : non seulement les patchs anti-ondes ne sont pas efficaces, mais ils sont en plus dangereux. Guy Pujolle, professeur d'informatique à la faculté des Sciences et ingénierie de Sorbonne Université, explique au magazine que "ces patchs sont contre-productifs" car "si on empêche un téléphone d'émettre, il va augmenter sa puissance, arrosant plus fortement d'ondes l'utilisateur." En clair, comme la propagation des ondes entre l'antenne du smartphone et l'antenne émettrice est entravée par le patch anti-ondes, l'appareil émet encore plus d'ondes pour pouvoir surmonter l'obstacle et maintenir la connexion au réseau... Autrement dit, le remède est pire que le mal !
Ondes des smartphones : comment limiter l'exposition ?
En pratique, il existe quelques principes simples à appliquer pour limiter exposition aux ondes électromagnétiques émises par un smartphone.
- Éteindre le smartphone dès que l'on en pas besoin : il n'émet et ne reçoit alors plus aucune onde radio !
- Passer en mode avion dès que possible – la nuit notamment –, ce qui a pour effet de couper toutes les communications sans fil (voir notre article). Il est même possible dans ce mode limité d'activer le Wi-Fi et/ou le Bluetooth, qui génèrent des ondes moins puissantes que celles de la téléphonie mobile.
- Tenir le smartphone loin du corps – plus de 1 m – quand il est sur le réseau mobile, en utilisant un kit mains-libres ou des écouteurs filaires pour passer ses appels par exemple, et en le tenant loin de la tête pour surfer sur Internet.
- Éviter de téléphoner l'oreille collée au smartphone en déplacement. Car quand il se déplace, l'appareil doit sans cesse chercher de nouvelles antennes relais pour maintenir la communication, en utilisant souvent sa puissance maximale : c'est la pire des situations !.