Indice de durabilité : le dispositif français définitivement enterré
Obligatoire sur de nombreux produits comme les smartphones et les ordinateurs portables, l'indice de réparabilité devait évoluer en un indice de durabilité, aux critères plus complets. Mais la Commission européenne s'y est opposée.
Pour encourager une production et une consommation plus écoresponsables, le Gouvernement français a mis en place il y a quelques années un indice de réparabilité pour les appareils électriques et électroniques pour le grand public. Il s'agit d'un système de notation destiné à lutter contre l'obsolescence – programmée ou non – de ces appareils, présenté sous la forme d'une note comprise entre 1 et 10, calculée selon plusieurs critères, comme la disponibilité de la documentation technique, la facilité du démontage, ou encore la disponibilité et le prix des pièces de rechange. Le but est d'inciter les consommateurs à choisir des produits ayant une meilleure durée de vie et à réparer leurs appareils. De cette façon, ils deviennent un levier de poids qui va à son tour inciter les fabricants à privilégier l'écoconception en améliorant leur façon de produire leurs appareils, afin de bénéficier d'un nouvel argument marketing. Au final, cela doit permettre de freiner la production de déchets électriques et électroniques.
Mais, depuis le 1er janvier 2024, l'indice de réparabilité devait évoluer en un indice de durabilité – qui, comme son prédécesseur, devait être affiché par tous les vendeurs sur les appareils électriques et électroniques à destination des consommateurs français –, un dispositif intégrant de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité des produits. En clair, il était censé être plus complet que son prédécesseur et prendre en compte la capacité d'un appareil à ne pas tomber en panne. Or, la Commission européenne avait retoqué le dispositif en novembre dernier, au plus grand plaisir des industriels. Comme le futur indice de durabilité concernait potentiellement des vendeurs européens, la France a été obligée d'alerter la Commission européenne de son arrivée en août 2023. Or, comme le rapporte L'Informé, celle-ci a refusé le décret d'application et les cinq arrêtés sectoriels, avec interdiction de publication au Journal officiel jusqu'en février.
Les raisons de cette décision ? L'incompatibilité avec le droit européen, étant donné qu'un indice de durabilité à l'échelle de l'Union européenne doit être mis en place d'ici 2025. Des indices de réparabilité français et européens feraient donc un doublon et auraient pu créer de la confusion au niveau de l'affichage – d'autant plus que, selon les industriels, certains critères exigés par l'indice français étaient différents de l'indice européen. Aussi, dans un courrier adressé à la Commission européenne, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires annonce prendre "note" de l'avis critique rendu à l'automne dernier, et abandonne son projet. Voilà qui devrait réjouir les industriels, l'Alliance française des industriels du numérique – qui représente plusieurs constructeurs dont Apple, Google et Xiaomi – et la Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication ayant trouvé que la France allait trop loin dans son encadrement.
Indice de durabilité : de nouveaux paramètres pris en compte
L'indice de réparabilité est affiché pour les smartphones, les ordinateurs, les téléviseurs, les lave-linge à hublot, les tondeuses à gazon, les lave-linge top – ceux qui se remplissent par le dessus –, les lave-vaisselle, les aspirateurs – robots, filaires et sans fil – et les nettoyeurs haute pression proposés dans le commerce. Au lancement de l'indice de durabilité cependant, seuls les téléviseurs, les smartphones et les lave-linges devaient concernés. Il devait obligatoirement être affiché sur l'emballage ou à côté du prix affiché lors d'un achat en magasin. Pour la vente en ligne, il devait être affiché sur toutes les pages permettant l'achat du produit concerné, à proximité du prix et avec une taille de police équivalente à celle du prix, de manière à être lisible sur l'écran. Après, libre à chaque fabricant de l'apposer ailleurs, comme argument marketing.
Concentrons-nous sur "les téléphones mobiles multifonctions" – mais c'est globalement la même chose pour les autres types d'appareils. Comme l'indique le texte du projet de loi, le nouvel indice est calculé en fonction de trois critères. Bien évidemment, il y a la réparabilité du produit, qui compte pour 45 points, mais aussi la fiabilité de celui-ci, qui compte pour 45 points. Ce volet évalue sa résistance à la poussière et à l'eau – attention, il ne garantit pas l'étanchéité de l'appareil ! – et prend en compte le suivi des mises à jour de sécurité. Enfin, l'indice comprend un facteur d'amélioration qui compte pour 10 points. Ensuite, la note sur 100 est ramenée à 10. L'idée est de ne pas uniquement prendre en compte la facilité avec laquelle un smartphone peut être réparé, mais aussi d'inclure sa capacité à durer dans le temps.
Indice de durabilité : est-il vraiment fiable ?
Il y a toutefois un petit hic : si l'indice de durabilité se veut plus complet que l'indice de réparabilité, certains critères essentiels sont mal représentés dans la note finale. Regardons le volet consacré à la réparabilité par exemple. Une partie des critères concerne le fait de réparer soi-même l'appareil. Or, il s'agit d'une pratique relativement rare dans le grand public, de par la connaissance technique qu'elle nécessite. Sont également évaluées la documentation et la facilité avec laquelle le consommateur peut démonter son appareil. Autant de points d'attention qui ne sont pas pertinents si l'on souhaite faire réparer son appareil chez un réparateur certifié, chez son opérateur ou chez le fabricant. Par exemple, les iPhone obtiennent un score correct de par les notices très détaillées et faciles d'accès de nombreuses années après la sortie du produit, mais les appareils difficilement démontables avec des pièces détachées chères.
La grille de notation concernant la durée de mises à jour de sécurité est également discutable. C'est bien simple, un appareil en bénéficiant pendant moins de six ans n'aura aucun point, tandis qu'un mobile profitant d'au moins huit ans de mises à jour de sécurité obtiendra le maximum de points. Sauf que, en l'état actuel du marché, à part Google, dont les derniers Pixel promettent sept ans de mises à jour de sécurité, et Apple, qui propose de telles mises à jour pour l'iPhone 6s (2015), tous les autres fabricants ne promettent que quatre à cinq ans de mises à jour de sécurité, y compris les géants comme Samsung et pour les smartphones haut de gamme. Voilà qui ne nous avance guère dans le choix d'un smartphone...
Quant à la durée de suivi logiciel – qui permet d'avoir les dernières mises à jour Android ou iOS, et donc les dernières fonctions –, qui est intégrée au volet "amélioration", elle recueille 10 % des points seulement. Et là encore, il est difficile d'utiliser cet élément pour faire le tri puisque, pour obtenir le moindre point, il faut assurer un suivi pendant sept ans. Pour l'heure, aucun appareil du marché n'affiche une telle promesse, à l'exception du Google Pixel 8, dévoilé fin 2023. Même Apple, pourtant l'un des meilleurs élèves en la matière, ne promet que cinq à six ans de nouvelles versions d'iOS. Finalement, l'indice de réparabilité apparaîssait comme un indice un peu fourre-tout. D'ailleurs, à l'échelle européenne, le décret d'application et les cinq arrêtés sectoriels avaient été refusés par la Commission européenne (voir notre article). Cette dernière estimait qu'il n'était pas compatible avec l'indice de durabilité qu'elle entend adopter pour 2025.
Aussi, avant de passer à la caisse, le plus simple reste donc de scruter plusieurs éléments communiqués par les fabricants ou les revendeurs. Par exemple, pour la réparabilité d'un smartphone, on peut se fier aux notes données par la société iFixit, le spécialiste des réparations. Pour savoir si un smartphone est étanche à l'eau et à la poussière, il suffit d'examiner sa fiche technique pour voir s'il y a une certification IP. Enfin, pour les mises à jour, mieux vaut consulter directement le site du constructeur, qui indique souvent jusqu'à quand un appareil recevra des mises à jour.