Qualcomm Snapdragon X Elite : une nouvelle puce hautes performances pour les PC Windows
Après deux ans de gestation, Qualcomm vient de présenter son Snapdragon X Elite, une nouvelle puce à (très) hautes performances qui promet de bousculer Intel, AMD et même Apple sur le terrain des processeurs pour ordinateurs.
Dominé depuis des lustres par Intel, qui devance encore AMD en termes de volume de ventes – mais pas de performances ! –, le marché des processeurs pour ordinateurs a connu un véritable choc en 2020 quand Apple est entré dans la danse avec ses fameuses puces M1, suivies depuis par les M2 et bientôt par la série M3. Et pour cause, ces circuits tout-en-un que l'on appelle communément SoC – pour System on a Chip – ont complètement changé la donne en prouvant que l'architecture ARM utilisée dans le monde des puces mobiles pouvait se montrer autant, voire plus performante que la traditionnelle et vieillissante architecture x86 des processeurs Intel et AMD tout en étant plus économe en énergie. Des atouts de poids sur un marché de plus en plus tournée vers la mobilité et la sobriété énergétique – qualité qui se traduit directement sur l'autonomie des appareils – et qui expliquent le beau succès des Mac et des MacBook récents.
Bien évidemment, Intel et AMD ne restent pas les bras croisés face à cette évolution, et les deux entreprises préparent déjà leurs puces de nouvelle génération, à la fois pour tenir tête à Apple et sa famille M, et pour relever le grand défi de l'IA, qui sera désormais au cœur de toutes les applications. Mais un autre grand spécialiste du domaine compte bien venir jouer les trouble-fêtes dans ce ménage à trois : Qualcomm. Lors de son salon Snapdragon Summit 2023 qui vient de se dérouler du 24 au 26 octobre à Hawaï, le géant des SoC pour appareils mobiles a en effet présenté une puce conçue spécifiquement pour les ordinateurs personnels, et plus particulièrement pour les PC sous Windows : le Snapdragon X Elite. Une puce très prometteuse, qui inaugure une conception originale avec de grandes ambitions. Après deux ans de gestation avec les équipes de Nuvia – start-up innovante créée par des anciens ingénieurs d'Apple et rachetée en 2021 –, Qualcomm accouche donc enfin d'une puce ARM pour PC qui compte bien en découdre avec les futures Meteor Lake d'Intel et les M2 et M3 d'Apple. Un processeur très hautes performances qui matérialise les espoirs de Qualcomm après un démarrage qui a duré plus de six ans.
Snapdragon X Elite : ARM de guerre
Oryon est enfin descendu de sa constellation ! Sous ce nom de code inspiré du célèbre chasseur de la mythologie grecque (à un Y près), voici que déboule le nouveau cœur de processeur haute puissance de Qualcomm a intégré dans sa nouvelle puce pour ordinateur baptisée Snapdragon X Elite. Un "super cœur" qui porte en lui les espoirs de Qualcomm de réussit à – enfin !? – percer dans le monde très verrouillé des PC portables sous Windows.
Car oui, le géant des puces de smartphones et des équipements télécom Qualcomm est aussi un – discret – acteur des puces PC. Lors du salon Computuex2017, trois ans avant Apple donc, l'Américain présentait à la presse son premier processeur ARM, un simple Snapdragon 835 de smartphone un peu surcadencé. Pour la petite histoire, ce n'était le premier processeur ARM pour Windows : c'est en effet Nvidia qui, le premier, a conçu des puces ARM pour une version spéciale de Windows 8 appelée Windows RT.
Depuis, Qualcomm a multiplié les références : Snapdragon 850, puis trois puces plus puissantes – Snapdragon 8cx Gen 1, Gen 2 puis Gen 3 en 2021 – ainsi que des Snapdragon 7, 7C et 7C Gen 2 dans l'entrée de gamme. Qualcomm avait même séduit Microsoft pour ses Surface Pro X, en lui développant des versions personnalisées du 8cx – les SQ1 et SQ2. Mais sans jamais convaincre.
Au-dessus de toutes ces puces arrive donc aujourd'hui le Snapdragon X Elite. Un processeur qui fait appel à un nouveau cœur et qui semble un peu à contre-courant dans certains domaines – conception monolithique et un seul type de cœurs. Une puce qui sent bon le quitte ou double : après six ans de traversée du désert avec des ventes tellement marginales que ces puces n'apparaissent jamais dans les statistiques de ventes opposant Intel à AMD, le Snapdragon X Elite se doit de convaincre.
Snapdragon X Elite : 12 cœurs haute puissance
Alors qu'Apple intègre deux types de cœurs ARM dans ses M1 et M2 et qu'Intel propose désormais trois types de cœurs CPU (P-Cores, E-Cores, E-Cores LP) dans sa future plateforme Meteor Lake, Qualcomm, qui connaît pourtant ces configurations dans ses puces mobiles, a fait l'inverse pour son Snapdragon X Elite. Et propose donc une puce monolithique gravée en 4 nm, organisée autour de 12 cœurs identiques haute puissance (P-Cores) cadencés jusqu'à 3,8 GHz.
Organisés en trois clusters de quatre cœurs, ces douze cœurs ont parmi eux deux cœurs (dans les cluster 1 et 2) capables de jouer en duo jusqu'à 4,3 GHz – de quoi profiter de "coups de boost", pour accélérer le lancement des applications notamment. Enfin ces fréquences – et surtout leur tenue dans le temps – dépendra des machines dans lesquelles le processeur sera intégré.
Car Qualcomm n'a annoncé qu'une puce, sans autres déclinaisons pour l'heure. Issu du monde des mobiles, ce Snapdragon est ainsi tout à fait apte à limiter sa vitesse : il devrait être intégré aussi bien dans des PC ultra fins sans ventilateursà 12 W, comme sur de plus gros modèles à plus de 45 W. Selon les designs – extra fin sans ventilateur ou plus gros et avec plus de marge thermique – les performances varieront donc notablement. De plus, il faut prendre les promesses de Qualcomm avec des pincettes : les chiffres constructeurs sont toujours choisis avec soin. Mais au vu de l'enthousiasme des équipes et des chiffres annoncés, le Snapdragon X Elite a, au moins sur les slides PowerPoint, de quoi séduire.
Snapdragon X Elite : mieux qu'Intel, AMD et Apple ?
Gérant la mémoire LPDDR5X et profitant de 42 Mo de mémoire cache, le Snapdragon X Elite est une puce moderne, offrant une bande passante mémoire plutôt conséquente de 136 Go/s. En clair, contrairement à ses ancêtres, elle a sous la pédale de quoi exécuter des applications autrement plus puissantes que par le passé, même dans les domaines de la création numérique… Pour peu que les applications soient compatibles, compilées en ARM (et si possible optimisées !). Pour montrer patte blanche Qualcomm a fait venir sur scène un représentant de la société Black Magic, qui édite le logiciel de montage vidéo professionnel DaVinci, et qui a promis qu'une version ARM arrivera donc sur Windows l'an prochain.
Et dans un élan que nous ne lui connaissons guère, Qualcomm s'est même fendu de promesses chiffrées par rapport à des références précises de processeurs Intel et Apple… Au travers d'un seul et unique test cependant : Geekbench 6.2 MultiThread. Un des tests du programme GeekBench qui évalue les performances multicœur des processeurs. Et Qualcomm de communiquer non seulement sur les performances pures que sur les efficacité énergétiques – +50% de mieux que le M2 en pointe, 60% plus efficace qu'un puissant Core i7-13800H, deux fois plus puissant qu'un Core i7-1360P.
En matière de GPU, Qualcomm est allé se frotter autant à Intel qu'AMD sous le programme 3DMark Wildlife Extreme. Et à chaque fois – évidemment ! – Qualcomm domine la compétition, notamment en matière de performances par watt. Affichant 4,6 TFLOPS soit l'équivalent d'une Xbox Series S tout de même, le GPU est essentiellement là pour accélérer les applications 3D, créatives et autres. En matière de jeu vidéo, Qualcomm la joue humble : "Nous n'avons pour l'heure aucune prétention dans le gaming PC haut de gamme à ce stade. Ce n'est pas la cible de cette puce, et c'est un domaine dans lequel nous avons encore beaucoup de travail. Mais nous travaillons déjà beaucoup pour les jeux plus grand public ", nous a-t-on assuré. Avant de présenter une petite avalanche de jeux qui montre que si Cyberpunk 2077 attendra, Qualcomm est bien au travail.
Quelques jours après sa première présentation, Qualcomm a diffusé un ensemble de résultats de test comparatifs – des benchamrks, dans le jargon – qui mettent tous en avant les performances du Snapdragon X Elite le contraire eut été étonnant… Les chiffres sont assez impressionnants, la puce se plaçant devant certains ténors du marché (Intel Core i7-13800H , AMD Ryzen 7 7940HS et Apple M2), notamment avec les utilitaires de mesure Geekbench et Cinebench, en simple cœur (ST) et, surtout, en multicœurs (MT), avec des gains allant de 50 à 100 % dans les meilleurs cas par rapport à la puce la plus à la traîne dans la sélection, en l''occurrence le M2 "simple". Certes, on se doute que Qualcomm a choisi les tests les plus avantageux, en évitant de se frotter aux puces les plus puissantes d'Apple, mais ces premiers résultats, même menés sur des plateformes "préparées" (le constructeur a utilisés deux PC portables avec des configurations différentes), sont plutôt alléchants.
Dans les faits, la puissance GPU de cette première génération servira essentiellement à l'affichage, aux logiciels de création (comme le Da Vinci susmentionné), notamment au travers de l'atout majeur que Qualcomm veut mettre en avant : l'IA. Et là encore, les mesures réalisées avec Procyon AI, le logiciel spécial d'UL qui ne fonctionne que sous Windows, donne une très large avance au Snapdragon X Elite, la puce Qualcomm se montrer 10 fois plus performantes que ses concurrentes signées Intel et AMD….
Snapdragon X Elite : une puce taillée pour l'IA
Comme pour son Snapdragon 8 Gen 3 pour les smartphones haut de gamme de l'année prochaine, Qualcomm joue à fond la carte de l'intelligence artificielle. Et à raison, car outre le fait que la technologie a le vent en poupe, notamment au travers des IA génératives, Qualcomm est de loin l'acteur avec le plus d'expérience en matière de processeur IA dédié. Face à lui dans le PC, AMD n'a rien pour l'heure et Intel va introduire son premier NPU intégré à un processeur dans sa génération de processeurs mobiles Meteor Lake qui arrivera début 2024.
Avec son Snapdragon 835 présenté en 2017 (mais effectivement sur le marché plus d'un an plus tard), Qualcomm affiche non seulement six ans de savoir-faire d'IA sur PC, mais surtout une progression des performances de x100 sur cette durée. Pour afficher, dans le Snapdragon X Elite, une performance de pointe de 75 000 milliards d'opérations IA par secondes (75 TOPS pour téraopérations). De quoi exécuter des modèles d'IA génératives de 13 milliards de paramètres directement dans le PC, sans faire appel au cloud. De quoi limiter la latence et, surtout, protéger un peu notre vie privée.
À cette puissance IA s'ajoute un petit bout de puce discret dont on espère beaucoup pour la préservation de la batterie (et pour ajouter une couche de sécurité en plus) : le Sensing Hub. Cette "puce dans la puce" intègre son propre processeur d'image (ISP), son propre DSP, son propre NPU et sa propre enclave mémoire. Capable de surveiller la webcam comme le(s) microphone(s), elle est à même de reconnaître votre visage sans se faire voler votre photo ou encore écouter en permanence votre voix pour y réagir au quart de tour. Le tout de manière sécurisée (c'est le rôle de l'enclave mémoire) et avec une très faible consommation d'énergie par rapport aux puces x86 classique. La limite étant que, si en matière d'IA comme en matière de Sensing hub, si Qualcomm a bien de l'avance sur la compétition, le bon usage de ces technologies n'est, comme l'écosystème logiciel en général, pas du tout dans ses mains.
Snapdragon X Elite : tous les atouts des puces mobiles
Si Qualcomm n'a toujours pas réussi à percer dans le monde Windows en matière de parts de marché (lire plus loin), l'américain a tout de même des forces. Qu'il s'agisse de dégagement de température – toutes les machines équipées en Snapdragon sont inaudibles – qu'en matière de consommation énergétique ou de connectivité.
Dans ce dernier domaine, Qualcomm est le maître incontesté. Non seulement il est le seul acteur à maîtriser la production de modems 5G, mais en plus ses modems 5G mobiles sont – de loin – les meilleurs du marché, sur mobile comme sur PC. Le hic étant que cette connectivité, de plus en plus clé dans les smartphones, et que Qualcomm met toujours en avant, n'est pas vraiment attendue par le gros du marché de l'informatique. Les PC portables avec modems sont délaissés par le grand public, et ne représente qu'une part marginale des ventes des appareils pros. Un usage pertinent est celui de l'intégration dans les PC éducation de pays émergents où la couverture cellulaire est plus dense et de meilleure qualité que les réseaux Wi-Fi. Mais ce marché attend des puces peu chères comme le Snapdragon 7C. Qualcomm jure cependant que la demande professionnelle est en pleine explosion. Les ventes parleront.
En sus d'être à la pointe en matière de 5G avec son modem X65 (le même que les Snapdragon 8 Gen 2 de l'an dernier), le Snapdragon X Elite est aussi parfaitement à la page en Wi-Fi (compatibilité 7, 6E et 6), comme en Bluetooth (compatible avec la nouvelle version 5.4 avec le déroulé de technologies audio Snapdragon Sound des smartphones). Les PC qui en seront équipés devraient ainsi être parés pour l'avenir en matière de communication sans fil.
Snapdragon X Elite : la cruelle dépendance à Microsoft
Avec une histoire de bientôt six ans et de si belles promesses, vous vous demandez pourquoi vous n'avez pas (ou très peu) entendu parlé des PC portables sous processeur Snapdragon ? La réponse tient en de nombreux facteurs – poids d'Intel et d'AMD pour contrer son entrée sur le marché, peu de designs différentiant ou pertinent, des débuts poussifs (il a fallu attendre le 8cx pour voir arriver des performances correctes), etc. Mais l'élément le plus important tient en un mot : Microsoft.
Lancés à l'époque de Windows 10, les premiers processeurs ne disposaient pas de " traducteur " efficace de code x86 vers ARM, au contraire du Rosetta 2 des Mac M1 d'Apple. Microsoft a en effet attendu Windows 11 (et plusieurs mises à jour en plus !) pour rendre disponible l'émulation x64/ARM64. Les performances des puces Qualcomm étaient donc grevées par une émulation des programmes non natifs qui, soit ralentissaient, soit empêchaient purement l'exécution de programmes non compilés en ARM64.
Si de plus en plus de programmes sont désormais compilés pour ARM64 (Office, VLC, Edge, Firefox, Photoshop), notamment grâce à l'arrivée des M1 sur macOS, Qualcomm a encore du retard en matière de compatibilité logicielle. Le domaine où AMD et Intel on encore largement l'avantage – en plus de leurs liens de choix avec les constructeurs PC. Face à Apple, Qualcomm est encore plus handicapé : si les deux utilisent les mêmes instructions ARM, Qualcomm est obligé de faire une puce pour Windows, quand Apple a dans ses mains le code source même de macOS.
Il reste donc à voir, non seulement si le Snapdragon X Elite tiendra ses promesses fondamentales, mais aussi si les constructeurs de PC et surtout Microsoft jouent le jeu. Mais avec une puce qui paraît si puissante, il semble que Qualcomm a bel et bien de quoi bousculer le marché pour la première fois.