iPhone : le marqueur social très exclusif d'une génération
Apple semble avoir conquis le cœur des jeunes Américains, qui préfèrent l'iPhone aux smartphone Android, au point de devenir un critère de sélection social. Un marqueur discriminant qui fait bien les affaires de la Pomme…
Depuis que les smartphones sont apparus sur le marché, dans la seconde moitié des années 2000, deux "clans" s'affrontent. D'un côté, Apple et son inimitable iPhone. De l'autre, Android, le système d'exploitation mobile de Google, adopté par pratiquement tous les autres constructeurs. Et s'il existe bien quelques passerelles entre ces deux mondes, la frontière reste assez marquée, et pas seulement sur le plan technique. Ainsi, beaucoup considèrent comme difficile de passer d'un environnement à l'autre, à la fois pour des questions matérielles – Apple ayant toujours privilégié ses solutions et ses interfaces comme le fameux Lightning – et des habitudes d'utilisation.
Au fil des années, la Pomme est parvenue à créer un écosystème cloisonné avec tous ses produits – iPhone, AirPods, MacBook, iPad, AirTag – et ses services – Apple TV, Apple Music... –, au point que certaines instances accusent l'entreprise de pratiques anticoncurrentielles. Et ce ne sont pas les dernières études qui vont prouver le contraire ! En effet, depuis son lancement, l'iPhone est devenu un véritable marqueur social, le signe d'une certaine aisance financière et de l'appartenance à un groupe. Mais, comme le rapporte le Financial Times, la Pomme est parvenue à séduire tout particulièrement la génération Z – les utilisateurs nés entre 1997 et 2010 – aux États-Unis, à tel point que les jeunes craignent d'être exclus des groupes sociaux s'ils n'arborent pas un iPhone. Une tendance qui permet en outre à Apple de gagner des parts de marché dans plusieurs catégories de produits sur le long terme.
iPhone : la pression sociale de la génération Z
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'iPhone se vend très bien, en particulier aux États-Unis où Apple possède pas moins de 50 % des parts du marché des smartphones en 2022, contre 35 % en 2019. Et parmi ses acheteurs, 34 % d'entre eux sont nés après 1996, contre 10 % pour les téléphones Samsung – l'étude ne donne pas de chiffres pour Xiaomi, l'autre mastodonte du secteur. En revanche, pour les générations plus âgées d'Américains, la répartition entre les propriétaires de smartphones Android et d'iPhone reste relativement égale. Apple bénéficie donc d'un avantage considérable sur ce terrain, d'autant plus que la fameuse génération Z est la plus connectée de toutes les tranches d'âge – elle passe jusqu'à six heures par jour sur son smartphone – et que, une fois habitué à un écosystème, il est difficile de bousculer ses habitudes et d'en changer, ce qui permet d'assurer une certaine pérennité de la marque.
Mais la fidélité des jeunes utilisateurs à Apple va plus loin encore puisque, selon les chercheurs, elle influence et façonne les cercles sociaux des jeunes Américains, y compris pour les critères de sélection amoureuse ! C'est notamment visible avec iMessage, la messagerie propre à la Pomme qui propose des fonctions très intéressantes comme le cryptage des données et la possibilité d'envoyer des images, des émojis, des photos et des vidéos directement dans la conversation. Or, lorsqu'un utilisateur Android discute avec des utilisateurs d'iPhone, tous les messages échangés passent en format SMS, ce qui fait perdre en qualité les photos et vidéos. Et impossible de passer inaperçu, car les messages envoyés depuis un appareil Android s'affichent en vert, tandis que ceux envoyés depuis un iPhone s'affichent en bleu. Par conséquent, les adolescents craignent d'être exclus de leur cercle social s'ils utilisent un smartphone sous Android. Une sacrée pression ! Google a eu beau appeler Apple à adopter le nouveau protocole de communication RCS sur iMessage pour qu'il devienne la norme et remplace enfin les traditionnels SMS et MMS, rien n'y fait (voir notre article).
Les choses vont encore plus loin puisque cette "sélection sociale" atteint également les strates amoureuses, notamment au niveau des applications de rencontres et des réseaux sociaux. De nombreuses personnes déclarent ne pas donner suite à la conversation si la bulle du message s'affiche en vert – envoyé depuis Android donc. La tendance est particulièrement visible sur TikTok avec la trend "C'est un 10, mais…" (he's a 10 but…), qui vise à évoquer les "tue-l'amour" qui peuvent être rédhibitoires pour une relation, y compris avec un partenaire "parfait". Et grosse surprise, posséder un appareil Android en fait visiblement partie...
iPhone : un moyen pour Apple de consolider sa part de marché
L'adhésion de toute cette génération aux iPhone fait bien les affaires d'Apple puisque, non seulement cela entraine une hausse des ventes sur le court terme – d'autant que le ticketd d'entrée pour s'offrir un iPhone 14 tourne autour des 1 000 dollars, soit environ trois fois le prix moyen d'un appareil Android dans le monde –, mais également sur le long terme, les adolescents ayant eu un iPhone comme premier téléphone devant être beaucoup moins enclins à changer pour un appareil sous Android par la suite. Ainsi, la Pomme s'assure une importante base de clients pour les années à venir... y compris pour ses autres produits et services, gagnant ainsi toujours plus de clients et d'abonnés. Ainsi, comme le rapporte le Financial Times, pour 100 iPhone expédiés, il se vend 26 iPad, 17 Apple Watch et 35 paires d'AirPods. Pour la même quantité de smartphones, Samsung vend 11 tablettes, 6 montres connectées et 6 paires d'écouteurs sans fil – mais là encore, il faudrait voir les chiffres de Xiaomi.
Le résultat de ces études est tout de même à nuancer puisque cette préférence de la génération Z pour l'iPhone est surtout marquée aux États-Unis. La Chine, au contraire – qui constitue un gigantesque marché –, fait la part belle à Xiaomi et aux autres constructeurs du pays tandis que les autres marchés sont plus nuancés. Toutefois, le groupe d'études de marché Canalys, qui a effectué cette étude, s'est également penché sur l'Europe occidentale, où il a constaté que 83 % des utilisateurs d'Apple âgés de moins de 25 ans prévoyaient de continuer à utiliser l'iPhone. Le pourcentage d'utilisateurs d'Android du même âge qui prévoient de rester sous Android tombe en revanche sous les 50 %.
Le résultat de cette étude invite à s'interroger sur l'influence d'Apple dans la société, au-delà des seules considérations techniques. Depuis toujours, la marque à la pomme a joué sur le différence : ainsi, le fameux slogan "Think different", sous l'ère de Steve Jobs, revendiquait déjà à sortir du lot, avec une petite touche de "supériorité", en insinuant que les possesseurs de produits Apple étaient plus avisés que la masse de consommateurs – le "troupeau" – qui se contentaient du tout-venant – entendre, le monde Microsoft avec Windows. Avec ses appareils au design raffiné, vire avant-gardiste, Apple a toujours soigné son image de marque pour créer et conserver une réputation élitiste – même si les prix américains sont souvent inférieurs aux tarifs européens. Une réputation toujours très sensible dans l'univers des créatifs et des artistes, qui gardent depuis le départ un net penchant pour les produits et les services signés de la pomme. D'autant qu'Apple entretient depuis de longues années son image à travers du placement de produit discret mais insidieux dans le cinéma – il suffit de voir la proportion de Mac et d'iPhone qui apparaissent dans les films et les séries, bien supérieure à leurs parts de marché, pour s'en convaincre… Le plus "amusant", c'est de mesurer l'attachement des utilisateurs à leurs appareils Apple une fois qu'ils font partie du "clan". Il faut juste espérer que les jeunes générations européennes ne deviennent pas aussi exclusives, et même intolérantes, que les homologues américaines : après tout, malgré les valeurs mises en avant par Cupertino dans sa communication savamment étudiée, il ne s'agit que de produits technologiques…