L'Arcom va redistribuer 15 chaînes de la TNT en 2024
L'Arcom va lancer bientôt l'appel à candidatures pour réattribuer 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT). L'occasion de redistribuer les cartes pour voir de nouvelles chaînes apparaître et d'anciennes disparaître.
Si elle semble aujourd'hui beaucoup moins attrayante que le streaming, notamment à cause de son caractère linéaire, la télévision numérique terrestre – plus connue sous l'acronyme TNT – reste un vecteur simple et économique pour diffuser massivement de la vidéo. Toujours très populaire en termes d'audience – et pas seulement auprès des seniors… –, elle ne nécessite ni connexion à Internet – et donc pas de forfait fixe ou mobile chez un opérateur ou un FAI –, ni abonnement à une plateforme comme Netflix, Disney+ ou Prime Video. Elle est même désormais totalement gratuite pour les téléspectateurs, depuis la fin de la redevance audiovisuelle (voir notre article), et il suffit d'un téléviseur et d'une antenne hertzienne compatible pour en profiter.
Depuis son introduction, en 2005, la TNT a évolué à plusieurs reprises, pour augmenter à la fois la qualité d'image et le nombre de chaînes TV diffusées. Aujourd'hui, en métropole, on peut ainsi accéder à 30 chaînes nationales — dont 5 payantes — et 42 chaînes locales –, dont celles du groupe public France Télévisions. Et depuis avril 2016, elle exploite la norme Mpeg-4 au lieu de la Mpeg-2 de ses débuts, offrant ainsi la Full HD (1080p dans le jargon) en standard. Et en attendant l'arrivée hypothétique de l'ultra haute définition (4K UHD) avec la norme DVB-T2/HEVC – une évolution retardée afin de libérer une bande de fréquences pour la téléphonie mobile… –, c'est un nouveau paysage qui se dessine dans l'offre des chaînes d'ici à 2025.
TNT : 15 fréquences à réattribuer
En effet, certaines autorisations de diffusion arrivant prochainement à échéance, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - la fameuse Arcom, qui remplace à la fois le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) depuis 2022 – va lancer le 28 février 2024 un appel à candidatures pour réattribuer pas moins de 15 fréquences, et donc autant de chaînes. Seront ainsi remis en jeu les canaux occupés sur les différents multiplex par C8, W9, TMC, TFX, NRJ 12, LCI, Paris Première, Canal+, BFMTV, CNews, CStar, Gulli, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma et Planète+, dont les contrats se termineront en 2025.
Bien entendu, les propriétaires de ces chaînes – dont le groupe de Vincent Bolloré qui possède notamment Canal+, C8 et CNews – pourront se porter candidats à leur succession, y compris en changeant leur offre. Mais ce grand jeu de chaises audiovisuelles sera surtout l'occasion de voir de nouveaux acteurs entrer sur ce marché très convoité – car très lucratif. On songe par exemple à Xavier Niel, l'emblématique créateur d'Iliad (Free) qui avait déjà postulé – sans succès – au printemps 2023 au remplacement de M6, dont l'autorisation était arrivée à échéance.
Comme l'a expliqué Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom dans un entretien accordé à La Tribune, les candidats auront jusqu'à la mi-mai pour manifester leur intérêt : "Ils seront auditionnés publiquement en juillet. À l'issue de ces auditions, nous présélectionnerons les candidats retenus, puis nous négocierons, avant fin novembre, les conventions en retenant un niveau d'engagements élevé. L'objectif est de délivrer les autorisations avant fin 2024. Il s'agit d'une procédure totalement transparente, à toutes les étapes."
Et d'ajouter que l'Arcom s'appuiera dans ses choix sur "les critères du pluralisme de l'offre et de l'intérêt du public, qui sont inscrits dans la loi. Nous souhaitons qu'il y ait une grande diversité d'acteurs et nous voulons offrir aux téléspectateurs un très large choix, avec des formats de chaîne variés: chaines info, généralistes jeunesse… Nous espérons que les candidats feront valoir un "mieux-disant", par exemple en matière de soutien à la production audiovisuelle et cinématographique ou concernant les engagements sociétaux."
TNT 2025 : de nouveaux acteurs à l'horizon ?
Toutefois, malgré les grands discours gorgés de bonnes intentions, il y a raisonnablement peu de chances de voir apparaître de nouvelles chaînes participant à une réelle montée en qualité et en diversité, Arte restant depuis le début la seule à se distinguer par sa programmation originale et créative face à une multitude d'émissions ouvertement racoleuses. Même le groupe France Télévisions a du réduire sa voilure en sacrifiant France 4, il y a quelques années, le canal libéré étant occupé en soirée par Culturebox. Comme pour la radio, qui a été vite dominée par quelques grands groupes privés après la libération des ondes au début des années 1980, la télévision française est aujourd'hui entre les mains d'une poignée d'acteurs car il faut des reins solides pour assurer une programmation quotidienne dans un contexte très concurrentiel, surtout aujourd'hui, avec les plateformes de streaming en face.
Mais l'espoir est officiellement permis de voir le PAF – le paysage audiovisuel français – se renouveler en partie. Il est d'ailleurs possible que des chaînes comme C8 et CNews soient éliminées, suite aux polémiques et aux poursuites qu'elles ont engendrées en raison de leur leur traitement jugé partial de l'information, comme le l'Arcom l'a souligné à plusieurs reprises en infligeant des sanctions. Le 13 février dernier, suite à la saisine de Reporters sans frontières concernant la chaîne CNews, le Conseil d'État a demandé à l'autorité de durcir son contrôle en matière de pluralisme de l'information.
Par ailleurs, cette redistribution pourrait – et devrait même ! – être l'occasion de s'interroger sur l'intérêt d'octroyer des fréquences à des chaînes cryptées payantes comme Canal+ à une époque où le streaming via Internet paraît bien plus adapté aux services à péage. Souhaitons donc que cet appel à candidatures permette à l'Arcom de revoir profondément l'offre télévisuelle gratuite en France, pour le bien de tous, et pas seulement au profit de quelques groupes privés aux motivations uniquement financières.