Votre smartphone semble espionner vos conversations en permanence ? Voici l'explication
Êtes-vous écouté et espionné en permanence par votre téléphone ? Vous pouvez légitiment vous poser la question quand vous recevez une publicité relative à un sujet évoqué lors d'une conversation à proximité de votre smartphone. Voici l'explication.
Vous avez sûrement déjà vécu ce genre de situation. Tranquillement attablé avec un ami, votre smartphone à portée de main, vous discutez d'une exposition, d'un film ou d'un produit quelconque. Le lendemain, en consultant votre fil d'actualité sur vos réseaux sociaux ou en effectuant une recherche sur Internet, vous tombez sur une publicité pour cette expo, ce film ou ce produit. Pourtant, vous en êtes certain : personne d'autre ne vous en a parlé. Comment est-ce possible ? Votre smartphone vous écoute--t-il en permanence pour vous afficher de la publicité ciblée et connaître le moindre de vos faits et gestes ?
Coupons tout de suite court au suspens : non, à moins d'être la victime d'un logiciel malveillant ultraperfectionné, votre smartphone n'écoute pas vos conversations en douce. La vérité n'est cependant pas beaucoup plus rassurante : les géants du Web, Google et Meta (Facebook, Instagram...) en tête, vous connaissent si bien qu'ils n'ont pas besoin de cela pour vous adresser des publicités parfaitement ciblées, au point qu'elles donnent l'impression d'avoir été espionné !
Dès 2016, à la suite d'une série d'articles de presse inquiets, Facebook avait déjà mis les points sur les i. Par un communiqué, la firme expliquait qu'elle n'utilisait pas le micro pour affiner son ciblage publicitaire. En 2018, devant le Congrès américain, Mark Zuckerberg l'avait encore rappelé, évoquant une "théorie du complot". Régulièrement accusé, Google a lui aussi démenti, à plusieurs reprises, écouter ses utilisateurs.
Et dans ce cas précis, on peut les croire. D'abord parce que, techniquement, c'est impossible. Il y a quelques années, Antonio Garcia Martinez, un auteur ancien employé de Facebook, s'était amusé, pour le magazine Wired, à estimer la quantité de données que l'écoute permanente des smartphones engendrerait, si elle était mise en place par Meta. Avec deux milliards d'utilisateurs quotidiens dans le monde, le transfert d'un flux audio de qualité correcte représenterait un volume d'environ 260 pétaoctets de données, soit l'équivalent de 260 000 disques de 1 To… par jour ! Un volume inimaginable, même pour les géants du Web. D'autant qu'après avoir collecté toutes ces données, il faudrait aussi les analyser, ce qui générerait un coût colossal.
Une telle collecte de masse aurait par ailleurs été repérée par des experts en sécurité informatique depuis longtemps, notamment en ayant recours à des analyses de trafic réseau. Or les chercheurs indépendants qui se sont penchés sur la question, comme William Budington de l'Electronic Frontier Foundation ou l'entreprise Wandera, n'ont pas trouvé la moindre preuve de cette pratique.
Il y a cependant bien un moment durant lequel votre smartphone vous écoute : lorsque vous activez Google Assistant, Siri ou encore Alexa. Des assistants vocaux qui ont d'ailleurs largement contribué à la légende urbaine de cette forme d'espionnage, puisqu'ils sont en permanence à l'écoute du mot clé qui permet de les réveiller pour prendre votre commande.
Et leur utilisation n'est pas sans risque pour votre vie privée : dès que vous parlez à un assistant vocal, vos propos sont enregistrés, transmis par Internet et, parfois, écoutés par un humain à des fins d'analyse. Thomas Le Bonniec, un ancien expert pour un sous-traitant d'Apple, le rappelait encore récemment sur France Info : le fabricant de l'iPhone a longtemps fait écouter par des employés des bribes de conversations saisies par Siri. Google et Amazon ont des programmes similaires, indispensables selon eux au perfectionnement de leur système. Ce qui est d'autant plus problématique que ces assistants se déclenchent souvent par erreur, et peuvent ainsi transmettre des conversations intimes.
Si cela vous met mal à l'aise, il est toutefois possible de les désactiver, ou de couper l'accès au micro de votre appareil. Apple comme Google ont par ailleurs intégré à leurs systèmes d'exploitation respectifs un système de notification qui affiche en permanence une alerte dès que le micro ou la caméra est activé.
Revenons au début de notre histoire. La réponse est simple : Meta et Google détiennent tellement d'informations personnelles à votre sujet qu'ils sont capables, sans écouter vos conversations, de vous servir des publicités incroyablement bien ciblées. Voire de devancer vos désirs d'achat ! Il y a d'abord le Pixel Meta, un traqueur présent sur des millions de pages Web, qui permet à l'entreprise de connaître une bonne partie des sites que vous visitez et les lier à votre profil. Google dispose d'outils encore plus puissants pour ce faire (Google Analytics, DoubleClick, Adsense…)
En outre Facebook et Google s'appuient aussi sur votre localisation, qui, si vous n'y prenez pas garde, est enregistrée en permanence par leurs services. Une information très précieuse qui leur permet de connaître les endroits que vous fréquentez, vos magasins préférés, vos habitudes au jour le jour. Il est certes possible de désactiver ce suivi, mais même dans ce cas, Facebook a des techniques pour "estimer votre localisation générale".
Tout cela nous permet d'imaginer un scénario simple pour résoudre le mystère de cette publicité apparue sur votre fil : votre ami a peut-être "liké" une publication qui évoquait l'exposition, ou il a été repéré via son smartphone à l'endroit où elle avait lieu. Ensuite, lorsque vous vous êtes retrouvés, Meta ou Google a appris que vous étiez ensemble, toujours grâce à ses services de localisation. Leurs algorithmes ont alors "poussé" la publicité sur votre profil, jugeant que vous aviez sans doute des goûts communs. Bref, pas besoin de nous écouter en permanence, loin de là. Les traces que nous laissons continuellement sur la Toile suffisent aux géants du Web pour nous pister parfaitement.